À l’occasion des 25 ans d’UbuWeb (1996-2021) le désormais légendaire site web fondé par Kenneth Goldsmith en 1996, Le Château de Montsoreau – Musée d’art contemporain consacre à partir du 22 mai une exposition à l’artiste new-yorkais ex-directeur artistique, ex-sculpteur, ex-artiste, ex-poète, aujourd’hui écrivain.
Premier lauréat de poésie du MoMA, Kenneth Goldsmith est une des figures majeures de l’art contemporain d’après-internet, et un des pères de l’« uncreative writing » , discipline qu’il enseigne à l’université de Pennsylvanie.
“Plagiez les plagiaires. Trafiquez les trafiquants. Piratez les pirates.”
Ubu, Roi des avant-gardes
Aux balbutiements du web, plusieurs années avant l’apparition de Wikipedia (2001), Kenneth Goldsmith crée le site UbuWeb en hommage à Alfred Jarry, une plateforme gratuite mettant en accès libre des œuvres d’art d’avant-garde jusqu’alors introuvables sur le web ou difficiles à consulter. Au départ site d’archivage artisanal, UbuWeb enrichit à tel point son corpus d’œuvres d’art qu’il rivalise aujourd’hui avec les plus grands musées au monde.
En appliquant les règles du streaming à la production artistique, ce site pirate offre aux internautes la possibilité de télécharger sans limite une quantité insondable de textes, d’affiches, de vidéos historiques ou inédits des plus grands artistes du XXème siècle. Site clandestin et pirate, bravant toutes les règles du copyright, UbuWeb enregistre aujourd’hui des millions de connexions mensuelles.
L’exposition 1996 au Château de Montsoreau – Musée d’art contemporain questionne le statut complexe et multiple d’UbuWeb, à la fois site d’archivage, bibliothèque numérique, musée virtuel et œuvre d’art militante.
L’opéra de la vie
L’exposition 1996 s’ouvre sur Soliloquy, pièce conceptuelle crée par Goldsmith la même année.
Dans un grand all-over, l’installation restitue tous les mots prononcés et enregistrés par l’artiste durant la semaine du 15 au 21 avril 1996, posant ainsi les bases de la grand œuvre d’UbuWeb.
Découpée en 7 actes, à la manière d’un opéra, Soliloquy est encadrée par l’unité de temps (7 jours), d’action (Goldsmith en tant que seul créateur de réalité), et de lieu (New York) faisant écho à l’œuvre de Andy Warhol A : A Novel, dans laquelle l’artiste avait enregistré et retranscrit le monologue d’un ami pendant 24 heures.
Au-delà du défi d’écriture que représente Soliloquy, Goldsmith interroge sur le langage en tant qu’environnement et son potentiel à se matérialiser.
“ Je veux que les gens sentent et retiennent le poids du langage. Je veux qu’ils ressentent la matérialité du langage.”
L’Odyssée du net
1996 montre un possible parallèle entre UbuWeb et l’épopée homérique. Par son étendue, son architecture et sa forme en constante expansion, UbuWeb apparaît comme une des plus grandes archives muséales jamais assemblée. Son histoire quant à elle constitue un grand poème épique de la création du net, inscrit dans le temps long de la collecte et de l’accumulation.
De même que l’œuvre d’Homère occupe une place majeure dans la littérature grecque car elle représente à elle-seule le genre épique à cette période, de même UbuWeb est devenue aujourd’hui une œuvre unique, aux ramifications complexes, en quête d’universalité.
“Si chaque mot prononcé quotidiennement à New York se matérialisait d’une manière ou d’une autre sous la forme d’un flocon de neige, il y aurait chaque jour un blizzard.”
Pour une culture libre
Influencé par l’utilisation des samples dans la culture hip-hop, Kenneth Goldsmith focalise son travail d’artiste sur un aspect particulier de la pratique conceptuelle : l’appropriation.
Pour Day (2003), il a ainsi dactylographié chaque mot paru dans l’édition du 1er septembre 2000 du journal le New York Times.
A l’ère d’internet, Goldsmith prône l’utilisation massive des bases de données, de la programmation et le plagiat intentionnel. L’écrivain est désormais celui qui s’approprie des œuvres existantes, utilise massivement le copier-coller, mâche et digère les mots des autres et les propose sous une forme nouvelle, dans un contexte nouveau, mettant ainsi en avant la relative importance de la subjectivité et de l’expression personnelle.
1996. Kenneth Goldsmith
22.05 – 01.07.2021
Château de Montsoreau – Musée d’art contemporain
Passage du marquis de Geoffre
49730 Montsoreau
presse.chateaudemontsoreau@gmail.com
Ouvert 7j/7j de 12h à 18h